Publicité
Interview

Thierry Mandon : « L’industrie spatiale européenne réalise des exploits »

Le secrétaire d’Etat à la recherche se montre confiant dans la réussite de la coentreprise Airbus Safran Launchers, qui commercialisera Ariane 6.

0211070391866_web.jpg
Thierry Mandon est secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Par Anne Bauer

Publié le 27 juin 2016 à 17:58

Le 1er juillet, Airbus et Safran vont officialiser la création de leur filiale commune Airbus Safran Launchers (ASL), qui réunira leur savoir-faire dans le domaine des lanceurs spatiaux. L’occasion de faire le point sur le secteur spatial français et européen avec Thierry Mandon, le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche

Les obstacles rencontrés dans le lancement d’Ariane 6 sont-ils levés ?

Du côté de l’industriel, les questions juridiques, financières et fiscales sont désormais calées. La société Airbus Safran Launchers (ASL) sera formellement créée le 1er juillet 2016. Et, du côté de la Commission européenne, la « phase 2 » de l’instruction menée par les autorités de concurrence pour l’acquisition par ASL d’Arianespace est quasiment achevée. La décision, attendue dans quelques semaines, s’annonce plutôt favorable grâce au travail mené par ASL pour améliorer la gouvernance et garantir le droit des actionnaires minoritaires, ainsi que pour rassurer les fabricants de satellites comme OHB, qui avaient émis des inquiétudes sur les conditions de concurrence. Je ne vois donc pas venir de difficultés institutionnelles qui retarderaient le projet Ariane 6. D’autant que, d’un point de vue industriel, ASL a remis à l’Agence spatiale européenne un rapport d’étape dans lequel elle confirme les performances technologiques d’Ariane 6, notamment en termes de poussée de lancement, ainsi que la division par deux de ses coûts de lancement.

Vous êtes serein sur la capacité européenne à maintenir sa compétitivité dans l’espace ?

Publicité

Tout en restant vigilant, je me félicite de la prouesse technologique accomplie par l’industrie spatiale européenne. Diviser par deux le coût de revient de ses lanceurs en quatre ans (2016-2020) est un exploit qui mériterait d’être mis en valeur, surtout au moment où l’Europe a besoin de success stories.

Cela suffira-t-il à rester compétitif face aux Etats-Unis ?

L’Europe a décidé de se battre. Certes, elle n’a pas opté comme Space X pour des lanceurs réutilisables, mais le Cnes (Centre national d’études spatiales) et l’agence spatiale allemande DLR ont lancé le programme Prometheus pour diviser par dix à l’horizon 2025 – de 10 à 1 million d’euros –, le coût du moteur Vulcain d’Ariane, ce qui fera encore baisser les coûts. D’autres réflexions sont en cours pour rendre l’accès à l’espace encore moins cher.

Les prix très compétitifs offerts par Space X ne seraient pas possibles sans les subventions indirectes des Etats-Unis.

Remarquons au passage que l’Europe joue la transparence sur les coûts, en appliquant les mêmes tarifs aux lancements privés et institutionnels, quand les Etats-Unis pratiquent des tarifs différents : les prix très compétitifs offerts par Space X ne seraient pas possibles sans les lancements assurés les agences gouvernementales américaines.

Les règles européennes interdisent ce type de subventions indirectes. Aussi, pour rester dans la course, l’Europe devrait au minimum garantir un certain nombre de lancements à Arianespace. Il faut que dans sa stratégie de l’espace, la Commission européenne s’engage pour garantir à Ariane au moins cinq tirs par an.

Et en France, peut-on garder une industrie spatiale compétitive ?

Les fabricants de satellites comme Thales Alenia Space et Airbus ont enregistré une très belle année 2015 et j’ai confiance dans l’avenir, car les besoins en satellites sont croissants. La troisième vague du Programme d’investissement d’avenir amènera encore de nouveaux soutiens à la recherche et à l’industrie satellitaire.

La priorité est de développer les marchés dans le secteur des télécoms pour les satellites très haut débit.

La priorité est désormais de développer les marchés dans le secteur des télécoms pour les satellites très haut débit (THD). Cette technologie est désormais très compétitive par rapport à la fibre et il faut désormais lui permettre de se développer. J’organiserai une réunion à l’Assemblée nationale pour en informer les élus. Il faut faire évoluer les mentalités et équiper le territoire avec l’appui du spatial plutôt que de dépenser des fortunes pour installer partout la fibre. Ce qui suppose de faire contrepoids aux lobbies du filaire, qui sont bien implantés dans les régions.

Le satellite va-t-il entrer dans le quotidien des Français ?

Publicité

Ce sera chose faite dans trois à quatre ans : 14 satellites du système de GPS européen Galileo sont déjà en orbite et il en reste 12 à lancer. Copernicus est aussi en train de se déployer. Ces deux constellations offriront des services incroyables. Pensons aussi aux avancées promises par les satellites Microcarb et Merlin, qui vont bientôt mesurer les émissions de gaz à effet de serre partout sur le globe et devenir de véritables auxiliaires de la lutte contre le réchauffement climatique. En outre, il y a toutes sortes de croisements possibles entre l’industrie traditionnelle et l’industrie spatiale : les techniques de détection infrarouge utilisées pour caractériser les astéroïdes peuvent servir à rechercher des ressources non exploitées sur terre, les robots d’extraction des matériaux sur les astéroïdes pourront servir au fonds des océans, etc. La prochaine Fête de la science sera ainsi placée sous le thème de l’espace et parrainée par Thomas Pesquet, le spationaute français qui doit partir sur la Station spatiale internationale en novembre.

Avez-vous les moyens budgétaires suffisants ?

Depuis 2012, le budget spatial français n’a cessé d’être renforcé, passant de 2,09 milliards d’euros en 2012 à 2,24 milliards en 2015. Et, pour l’an prochain, nous tablons sur un budget spatial civil et militaire de 2,32 milliards.

Propos recueillis par Anne Bauer

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité