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Décryptage

Spatial : la France parie à son tour sur les lanceurs réutilisables

En promettant d'avoir un « SpaceX » français, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire entend rester dans la course face aux Américains. Mais au-delà du volume de missions qui pourrait être insuffisant, le défi est de baisser les coûts d'accès à l'espace. Avec ou sans réutilisation.

La filière spatiale française, dans une coopération entre ArianeGroup et le CNES, développe un moteur prometteur pour baisser les coûts du spatial dans le futur.
La filière spatiale française, dans une coopération entre ArianeGroup et le CNES, développe un moteur prometteur pour baisser les coûts du spatial dans le futur. (Eric PIERMONT/AFP)

Par Anne Bauer

Publié le 6 déc. 2021 à 19:29Mis à jour le 7 déc. 2021 à 16:59

« Pour faire simple, nous aurons notre SpaceX, nous aurons notre Falcon 9 », a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur l'un des sites de production historique de fusées de France, à Vernon dans l'Eure. Pour certains, c'est une bonne nouvelle. Pour d'autres, c'est plus compliqué, car sur le site de production d'Ariane 6, l'objectif majeur n'est pas d'imiter Falcon 9 mais de réussir le lancement du premier exemplaire d'Ariane 6 l'an prochain.

Peu importe si les développements choisis par les ministres européens en charge du spatial en 2014 ne permettent pas à Ariane 6 d'être compétitive par rapport à la machine SpaceX, l'Europe a besoin de ce lanceur. Et Ariane n'a pas dit son dernier mot. « Face à SpaceX, Ariane restera le concurrent le plus menaçant », prédit même le patron d'une start-up spatiale.

Le volume des commandes, nerf de la guerre

Dans son discours, Bruno Le Maire a regretté l'erreur de 2014, quand les Européens avaient écarté la piste du réutilisable au moment du choix du programme Ariane 6. Mais jusqu'à l'an dernier, nombre d'acteurs institutionnels, comme l'ex patron de l'Agence spatiale européenne, Jan Wörner, contestait l'utilité du réutilisable en Europe. L'Europe n'a pas assez de satellites à lancer dans l'espace pour avoir besoin d'une fusée réutilisable, expliquait en substance le chef de l'ESA.

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De fait, si SpaceX peut vendre des vols dans l'espace à un prix bien moins cher qu'Arianespace, ce n'est pas uniquement en raison de sa percée technologique dans le réutilisable, aussi impressionnante soit-elle. SpaceX n'a d'ailleur jamais communiqué sur l'équation économique de cette technologie. Elon Musk l'a d'abord développé parce que son rêve est le transport spatial habité spatial, ce qui suppose de pouvoir faire revenir sur terre les hommes envoyés sur la Lune ou Mars.

La compétitivité du constructeur américain de Falcon 9 relève ainsi de sa technologie, mais surtout de la masse des missions et des commandes que lui confie la Nasa. La semaine dernière, le propriétaire de SpaceX a d'ailleurs averti ses employés qu'il risquait la faillite s'il ne parvenait pas à faire démarrer sa nouvelle fusée géante Starship , qui doit encore diviser par plus de dix le prix du kilo lancé dans l'espace. L'équation économique d'un lanceur est bien en partie liée à la cadence des lancements.

Baisser les coûts

Néanmoins, la baisse des prix de l'accès à l'espace a ouvert la porte à une multitude de projets et de services nouveaux, que n'avaient pas anticipés les ministres il y a maintenant 7 ans. Quel que soit le volume des missions qu'il lui faudra lancer à l'avenir, l'Europe se doit donc de revenir dans la course à la baisse des coûts d'accès à l'espace.

Celui qui aura le coût le plus bas du kilo lancé en orbite basse, maîtrisera demain le marché des lancements spatiaux. A condition d'être fiable et précis. SpaceX a une avance. Mais pour rester dans la course, Paris a déjà lancé deux programmes : le moteur Prometheus et le programme Themis, conçu par le CNES et ArianeGroup, qui doit réaliser un prototype de fusée réutilisable.

Themis mesurera 30 mètres de haut pour 3,5 mètres de diamètre. Il sera équipé de 3 moteurs Prometheus et préfigurera le premier étage qui équipera la version 2.030 de la fusée Ariane. Les premiers essais à Kourou sont planifiés dès 2023. Il permettra de réaliser le mini-lanceur réutilisable annoncé lundi à Vernon par le ministre Bruno Le Maire.

Plus de 270 projets à l'étude dans le monde

Ce programme remet donc en selle les acteurs institutionnels du spatial. Mais pour jouer les lièvres, Bruno Le Maire ouvre aussi le portefeuille du plan France 2030 aux projets privés de microlanceurs. Trois start-up françaises sont déjà dans la course: Venture Orbital System, Hybrid for Space et Strato Space System avec les lanceurs Sirius.

Qui sait ? Un mini Elon Musk se cache peut-être chez les jeunes ambitieux des start-up. Alors qu'on recense plus de 270 projets de lanceurs dans le monde sur un marché encore fort étroit, autant ne pas barrer la route aux Français. Même si chacun sait que dans cette folle course, il y aura très peu de gagnants.

VIDEO - Une guerre dans l'espace est-elle possible ?

Anne Bauer

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