Le guide de survie des compagnies aériennes françaises

La montée en gamme d'Air France contraint les autres compagnies françaises à développer de nouvelles stratégies imaginatives. Panorama.

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Rentable, Air Caraïbes a investi dans des Airbus A350.

Rentable, Air Caraïbes a investi dans des Airbus A350.

© Markus Mainka

Temps de lecture : 6 min

À la demande de Benjamin Smith, nouveau directeur général du groupe Air France-KLM, la clientèle premium est devenue la priorité. C'est celle qui a les moyens de s'offrir un voyage de qualité. Dans le jargon des spécialistes, on parle pudiquement de « privilégier la recette unitaire ». En pratique, les cabines des avions de la compagnie nationale laisseront plus de place pour les sièges à tarif élevé des classes affaires au détriment des places en classe économique. Moins nombreuses, ces dernières seront mécaniquement vendues plus cher. Reste à définir les positionnements dans le groupe de HOP ! et de Transavia, celui de Joon ayant été réglé.

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Cette montée en gamme d'Air France réjouit Marc Rochet, le dirigeant auquel on doit la réussite d'Air Caraïbes et de la low cost French Bee, deux compagnies du groupe vendéen Dubreuil. « Je pense qu'il [Ben Smith] nous ouvre un créneau, à nous les compagnies françaises concurrentes. On va essayer d'en profiter avec French Bee et Air Caraïbes, grâce à nos nouveaux Airbus A350 », expliquait-il lors du récent Congrès des entreprises du voyage. Les transporteurs tricolores vont donc pouvoir se concentrer sur les niches délaissées par le groupe franco-néerlandais. Ainsi, en dix ans, Air Caraïbes est devenue la deuxième et même, certains mois, la première compagnie entre la métropole et la Martinique ou la Guadeloupe, offrant au passager un excellent rapport qualité-prix, notamment grâce à la mise en service d'Airbus A350. Cette fiabilité opérationnelle avec 98 % de régularité se retrouve chez sa cousine French Bee qui va bientôt recevoir un deuxième A350. Efficace, l'appareil a permis, moins d'un an après l'ouverture de la desserte de La Réunion, de ravir 19 % de parts de marché. Un résultat comparable sur la ligne Orly-Papeete via San Francisco. Ces deux compagnies du groupe Dubreuil sont souvent prises comme exemples de modèles de gestion et de relations sociales constructives avec le personnel, qu'il soit navigant ou au sol.

Cruciaux créneaux

La grande perdante aux Antilles, comme dans l'océan Indien, est Corsair, dont la vente partielle par TUI à Intro Aviation GmbH, tarde à se concrétiser. Corsair a dû abandonner la semaine dernière une ligne historique, la desserte de Madagascar, à la suite de l'alliance entre Air Austral et Air Madagascar. Même mésaventure, fin janvier, avec l'arrêt de la ligne Paris-Dakar à la demande d'Air Sénégal, qui a repris les droits associés à son pavillon. Aussi la compagnie du groupe TUI doit-elle désormais réorganiser son réseau. La réouverture de Miami est prévue en juin, une destination déjà desservie au départ de Paris par Air France, American Airlines et XL Airways. Corsair va aussi muscler sa desserte estivale de Montréal. Mais la mise en application des décisions stratégiques tarde. Parmi les cinq des sept appareils de la flotte qui sont en fin de vie, certains atterriront définitivement en 2020 et 2021. À ce jour, aucune commande d'avion n'a été officialisée.

La valeur vénale de ces compagnies françaises tient beaucoup à leur implantation historique à Orly et à leurs créneaux sans lesquels aucune liaison régulière ne pourrait être assurée. C'est une denrée rare – donc chère – puisqu'un arrêté limite depuis 1994 à 250 000 le nombre de mouvements autorisé sur l'aéroport préféré des Parisiens. Ne pas perdre ces précieux créneaux et éviter qu'ils ne soient redistribués à easyJet, Vueling, Norwegian, etc. est d'ailleurs une des raisons de la création de Transavia France par Air France.

Nice-New York

Dans ce contexte, la desserte de New York-Newark par La Compagnie avec des avions dotés uniquement d'une cabine en classe affaires, rencontre un certain succès. Le transporteur, qui appartient au même groupe que XL Airways, va recevoir cette année deux Airbus A321neo de 76 sièges. Avec la mise en service de ce nouveau biréacteur long-courrier en avril à Orly, un des trois anciens Boeing 757 de La Compagnie va être affecté à une nouvelle ligne « tout business » Nice-New York cinq fois par semaine l'été.

À la limite de la faillite il y a deux ans, Aigle Azur a été remise d'aplomb par Frantz Yvelin, un jeune patron qui a restauré un bon climat social et obtenu des gains de productivité. Conséquence, les avions volent davantage, ce qui a permis d'ouvrir, toujours depuis Orly, de nouvelles dessertes, comme Pékin et São Paulo en long-courrier, Moscou, Milan, Berlin, Beyrouth, Kiev. En même temps, ces compagnies Air Caraïbes, Aigle Azur, Corsair signent entre elles des accords de « partage de codes », permettant à un passager de voyager avec un seul billet à un tarif intéressant, par exemple, des Antilles à Moscou via Orly. C'est en quelque sorte une réponse, certes timide, au réseau mondial proposé par Air France via Roissy-CDG.

Le poids des carburants

ASL Airlines France est peut-être la compagnie française qui augmentera le plus sa flotte en 2019 avec l'arrivée de cinq Boeing 737. Cette croissance du transporteur historique de La Poste est possible par la diversification de son activité entre l'affrètement pour d'autres compagnies, le charter (seul opérateur français) et quelques vols réguliers vers des destinations atypiques comme Saint-Pierre et Miquelon, Belgrade, l'Algérie, etc.

XL Airways, éternellement en vente ou à la recherche d'un solide actionnaire, appartient au même groupe que La Compagnie. Son modèle est plus proche du low cost avec des Airbus A330 monoclasses densifiés jusqu'à 408 sièges. Cette année, XL Airways fête dix ans de Paris-New York, une liaison assurée neuf mois par an. L'été, XL vole beaucoup vers les États-Unis. L'hiver, le transporteur est très présent sur les Antilles, la République dominicaine et le Mexique. Mais la trésorerie n'est pas tous les mois au rendez-vous, plombée par deux indicateurs incontournables du transport aérien. Du cours du baril du brut dépend la facture de carburant, soit près d'un tiers du coût d'un vol. La parité euro-dollar est également surveillée au jour le jour, car les compagnies françaises cumulent les coûts en dollars (achat ou location d'avions, carburant, assurances) alors que les recettes sont essentiellement en euros.

Desserte des îles

En métropole et en Europe proche, deux compagnies – Chalair et TwinJet – bénéficient des nouvelles stratégies d'Air France et de ses filiales. Ainsi, Chalair met sur les lignes régionales des ATR 42, ces modules de 50 sièges qu'Air France HOP ! ne veut plus exploiter.

Les îles permettent au pavillon français de se développer avec plus ou moins de bonheur. Air Corsica, basée à Ajaccio et à Bastia, dessert le continent en partenariat avec Air France qui tend à se désengager du gouffre financier que sont les escales corses. Air Corsica ajoute presque chaque année un A320 à sa flotte, ce qui lui permet de desservir aussi Bruxelles et Londres.

À La Réunion, Air Austral, qui vient de renouveler sa flotte de long-courriers, s'est lancé dans un partenariat délicat en reprenant près de la moitié d'Air Madagascar. Si le trafic espéré est prometteur, les dettes (procès en cours avec Air France) et les déficits le sont aussi.

De nouveaux avions à Air Tahiti Nui. La compagnie de Papeete prend livraison de quatre Boeing 787 Dreamliner plus économiques que les A340 qu'ils remplacent. Cette maîtrise des coûts est essentielle alors que l'arrivée de French Bee en Polynésie a provoqué une baisse du prix des billets depuis Paris de 17 %. Air Calédonie International, qui va recevoir des A330neo, est moins sensible à la concurrence, puisqu'elle a un quasi-monopole des dessertes de Nouméa vers l'Australie, le Japon et la Corée du Sud.

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Commentaires (3)

  • bilou.64

    ... Et pour ma part, je continuerai à éviter - coûte que coûte - de voyager avec Air France.

  • STEFMOT

    Article intéressant et instructif. Merci. (On critique parfois, ou souvent, mais on a aussi de droit et le devoir de féliciter)

  • Tj85710

    Je sais que tout change vite dans le domaine, mais j'ai volé sept ans très régulièrement avec Air Caraïbes, sans aucun problème et avec plaisir. Si vous pensez aux Antilles, n'hésitez pas ! De plus la cuisine donnait un petit aperçu de ce qui nous attendait, et un vrai goût de nostalgie lorsque nous en partions.

    Bref, autant je ne volerai jamais avec Air France, autant je recommande chaudement Air Caraïbes. Jamais de grèves, bon accueil, personnel courtois, bons avions, tout ce qu'il faut pour être tranquille quoi.