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Interview

Une nouvelle technologie pour lyophiliser plus rapidement les produits

Posté le par Nicolas LOUIS dans Chimie et Biotech

La start-up Lyophitech a mis au point un lyophilisateur dynamique capable de lyophiliser des produits entre 4 à 5 fois plus vite que les lyophilisateurs statiques conventionnels. Ce nouveau procédé permet aussi de réduire la consommation d'énergie de la lyophilisation. Rencontre avec Jean Delaveau, le fondateur de cette entreprise.

Jean Delaveau, le fondateur de Lyophitech. Crédit : Lyophitech

Ingénieur de formation, diplômé d’AgroParisTech, Jean Delaveau a travaillé tout au long de sa carrière professionnelle dans de grands groupes comme Danone, Rhône-Poulenc ou Sanofi. Chez Air Liquide, il est amené à utiliser un procédé de lyophilisation statique afin de conserver des bactéries lactiques, mais juge la technologie contraignante. Il attend alors d’être à la retraite pour développer un nouvel appareil et prend contact avec le LAGEPP (Laboratoire d’Automatique et de GEnie des Procédés) pour l’aider à le concevoir. Un an plus tard, en fin d’année 2017, et grâce au soutien financier de Pulsalys, une SATT (Société d’Accélération du Transfert de Technologies), il parvient à faire la preuve de concept d’un lyophilisateur dynamique. Aujourd’hui, il est sur le point de lyophiliser ses premiers produits pour le compte de plusieurs industriels. Entretien avec Jean Delaveau, le fondateur de Lyophitech.

Techniques de l’Ingénieur : Décrivez-nous le fonctionnement des lyophilisateurs conventionnels actuellement en service.

Jean Delaveau : Ils fonctionnent en mode statique et sont constitués d’une grande armoire en acier inox dans laquelle sont placés des produits sur des plateaux ou dans des flacons. Ils sont posés sur des étagères creuses à l’intérieur desquelles circule un fluide caloporteur qui permet dans un premier temps de congeler les produits. Ensuite, une seconde phase intervient, appelée la sublimation, durant laquelle l’armoire est placée sous vide, ce qui provoque un réchauffement du liquide caloporteur. L’eau présente dans les produits sous la forme de glace va alors directement se transformer en vapeur et le produit va ainsi se déshydrater à des températures très basses, comprises entre -20 et -30 degrés, tout en conservant ses propriétés.

L’inconvénient de cette technologie est qu’elle est très lente à mettre en œuvre, entre 2 et 4 jours, et que de nombreuses déperditions d’énergie sont constatées. Elle nécessite aussi la présence d’un opérateur qui charge et décharge les produits sur les étagères.

Comment est née l’idée de votre nouveau procédé ?

Elle repose sur un principe simple : quand vous agitez un produit (potages, riz, pâtes) dans une casserole avec une cuillère en bois, vous parvenez à le chauffer beaucoup plus rapidement que si vous le laissez immobile sur le feu. L’agitation améliore le transfert thermique et permet d’obtenir des températures plus homogènes. Le temps gagné est considérable et la consommation d’énergie est beaucoup moindre, car elle est dirigée vers le produit, plutôt que vers les parois à chauffer.

Comment fonctionne votre lyophilisateur dynamique ?

La première étape de surgélation des produits est réalisée à part à l’aide d’un équipement distinct. Ensuite, nous avons conçu un lyophilisateur dynamique constitué d’un cylindre qui a la particularité de faire des mouvements de balancier très lents. Nous le remplissons en produits surgelés, puis il est fermé afin de faire le vide à l’intérieur. La rotation très légère du cylindre permet d’améliorer les transferts de chaleur et la vapeur va s’extraire beaucoup plus facilement du produit puis traverser un tuyau avant d’être piégée dans un second cylindre. Au final, cette phase de sublimation se déroule entre 4 à 5 fois plus vite que celle observée avec des lyophilisateurs statiques. Nous réussissons ainsi à réduire la consommation d’énergie et à baisser le coût de la lyophilisation entre 20 et 40 %.


Le lyophilisateur dynamique développé par la start-up. Crédit : Lyophitech

Afin de réduire le temps de main-d’œuvre nécessaire pour alimenter cet équipement, nous travaillons à la conception d’un système de chargement en continu, grâce à l’installation de chicanes à l’intérieur du cylindre. À terme, nous pourrons travailler en vrac avec des produits de type café, épices ou fruits rouges, et nous pourrons ainsi lyophiliser de grands volumes à un prix imbattable.

À quel stade de développement se trouve votre projet ?

Nous avons protégé notre technologie en déposant des brevets dans les principaux pays fabricants de produits pharmaceutiques (Europe, États-Unis, Japon, Chine, Inde, Canada…), car 80 % des lyophilisateurs sont vendus à l’industrie pharmaceutique dans ces pays. Par contre, il s’agit d’une industrie très complexe sur le plan de sa réglementation et de ses exigences de qualité. Nous avons donc élaboré une stratégie afin d’atteindre progressivement ce marché, en commençant d’abord par l’industrie agroalimentaire, puis celle des cosmétiques, ensuite celle des probiotiques pour enfin nous diriger vers le secteur pharmaceutique.

Nous avons réalisé des essais de faisabilité d’une unité pilote à partir de produits que nous ont confiés de futurs clients et la lyophilisation s’est révélée concluante.

Nous sommes lauréats d’un concours organisé par France Relance, et grâce aux moyens financiers que nous avons reçus, nous construisons actuellement un atelier de façonnage à Vénissieux. Dès septembre 2022, nous allons recevoir un premier lyophilisateur dynamique, que nous avons fait fabriquer, d’une capacité de 1 000 litres. Il sera capable de lyophiliser 250 kg de produits en 24 heures, et dès l’automne, nous allons pouvoir livrer nos premiers lots industriels lyophilisés. Nous signons en ce moment des contrats de façonnage pour lyophiliser des produits tels que des bactéries ainsi que des extraits végétaux à destination des secteurs de la nutraceutique, de l’agroalimentaire et de la cosmétique.

Plusieurs lyophilisateurs dynamiques d’une capacité de 1 000 litres vont progressivement nous être livrés dans notre unité de production et nous avons l’intention d’être un acteur important dans le façonnage.

Notre usine servira aussi de show-room à de futurs clients et dès 2023, nous allons vendre nos premières machines à destination des industriels qui pourront ainsi eux-mêmes lyophiliser leurs propres produits. Nous leur fournirons également une prestation de services afin de leur transmettre notre savoir-faire. Notre ambition est de nous diriger rapidement vers le marché à l’international.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS


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