La chimie verte française a encore beaucoup à prouver

Le récent plongeon boursier de Metabolic Explorer met en lumière les difficultés de tout un secteur, qui n’a pas su tenir les promesses faites il y a une dizaine d’années.
Johann Corric
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Rare success story du secteur de la chimie verte en France, Carbios a développé une technologie de recyclage biologique du plastique.  - 

Tout un symbole. Le pionnier français de la chimie verte, coté à la Bourse de Paris depuis 2007 et premier acteur à véritablement industrialiser sa technologie, vient de doucher les espoirs que les investisseurs avaient placés en lui. Le 29 juin, Metabolic Explorer a abandonné ses objectifs annuels. Le fabricant de produits biosourcés à destination de la nutrition animale prévoyait auparavant un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros cette année et une marge brute d’exploitation (Ebitda) de 8%. Il envisage désormais un Ebitda négatif et ne s’engage plus sur un niveau de ventes. La sanction boursière a été immédiate. Le titre a plongé de plus de 50% en trois séances.

Au-delà du cas de Metabolic Explorer, cette déconvenue est symptomatique des difficultés de l’ensemble du secteur. Sur le papier, les acteurs de la chimie verte, qui cherchent à remplacer les hydrocarbures dans la fabrication de nombreux produits (plastiques, carburants, cosmétiques, alimentation animale, etc.), sont pourtant parfaitement positionnés. L’envolée des cours du pétrole et du gaz, ajoutée aux problématiques d’indépendance énergétique et de crise climatique, devrait les rendre particulièrement attrayants aux yeux des investisseurs. Il n’en est rien. L’avertissement sur résultats lancé par Metabolic Explorer semble même indiquer le contraire. Le groupe met en avant la flambée des prix de l’énergie et l’inflation des produits issus de l’élevage, qui pèserait sur les volumes d’ingrédients consommés, parmi les facteurs expliquant ses déconvenues.

Jusqu’à 98% de baisse

Si la flambée des cours des hydrocarbures ne fait pas tant les affaires du secteur, c’est qu’elle s’est accompagnée de l’envolée du prix d’une autre matière première : le sucre. Son cours a été multiplié par près de deux en trois ans. Or il s’agit de la matière première de base de la chimie verte. Elle permet de nourrir les bactéries qui fabriqueront en quelques heures ou quelques jours les molécules de carbone que la nature met habituellement des millions d’années à produire. Avec l’envolée du cours du sucre, l’avantage comparatif de Metabolic Explorer et consorts ne s’est pas amélioré. Les difficultés individuelles rencontrées par nombre des acteurs cotés dans le secteur, et qui les ont notamment poussés à abandonner leurs ambitions dans les biocarburants, ont fait le reste. Le naufrage boursier de l’industrie en France est presque total. Metabolic Explorer perd désormais 79% par rapport à son cours d’introduction, Global Bioénergies a vu son titre fondre de 80% depuis sa première cotation en juin 2011, Fermentalg a plongé de 78% et Deinove s’est effondré de 98%.

Les nouveaux venus, Afyren (-23%) et Berkem (-10%), s’en tirent un peu mieux, mais sur une période beaucoup plus courte. Seule véritable exception, Carbios a vu son cours de Bourse décoller après la publication d’un article favorable dans la réputée revue Nature en avril 2020. Malgré une consolidation depuis un an, l’action gagne encore 106% sur son prix d’introduction en décembre 2013. Positionné sur le recyclage biologique du plastique, Carbios n’est pas exposé aux variations des prix du pétrole et du sucre. Ses solutions apparaissent aussi moins en concurrence avec d’autres thématiques qui ont le vent en poupe, comme les énergies renouvelables ou l’hydrogène vert.

Le temps industriel

«Ce bilan assez sombre doit être nuancé, estime toutefois Michael Krel, partner chez Sofinnova Partners, au sein de l’équipe biotech industrielle. Beaucoup d’acteurs français ont rejoint la Bourse trop tôt et ont déçu depuis, mais, aujourd’hui, le secteur est en phase de maturation. Les nouveaux acteurs ont d’ailleurs appris de leurs prédécesseurs et visent, dans un premier temps, des produits intermédiaires ou de spécialités, plutôt que des commodités comme les biocarburants.»

Michael Krel rappelle aussi que le temps industriel n’est pas celui de la Bourse. «Il faut dix-huit à vingt-quatre mois pour construire une usine, alors que les investisseurs ont été habitués aux développements très rapides des start-up d’internet.» En attendant, les déboires de Metabolic Explorer retardent d’au moins un an la perspective, qui ferait du bien à tout le secteur, de voir une société de chimie verte française devenir économiquement rentable.

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