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La FoodTech EntoInnov va lever un million d'euros pour faire décoller son innovation 
Nancy # Agroalimentaire # Innovation

La FoodTech EntoInnov va lever un million d'euros pour faire décoller son innovation 

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Producteur d’ingrédients pour l’alimentation humaine et animale à base de vers de farine, la start-up nancéienne EntoInnov va lever un million d’euros pour passer à l’échelle industrielle grâce au programme France 2030. Encore en phase d'amorçage, la société vise une capacité de production de quelques centaines de tonnes par an fin 2025.

Le démonstrateur industriel d’EntoInnov produit déjà quelques tonnes d’insectes par an — Photo : Jean-François Michel

Sur le marché de la production d’ingrédients à base d’insectes, certains acteurs ont déjà levé des millions d’euros. Mais pas de quoi inquiéter Fayçal Ounnas, fondateur et dirigeant de la start-up EntoInnov, installée sur le technopôle de Nancy-Brabois. "Quand on parle d’élevage d’insectes, c’est une industrie qui n’a pas changé depuis 6 000 ans et qui dérive encore de l’élevage des vers à soie", analyse-t-il. Quand la concurrence propose de manipuler des boîtes en plastique contenant des insectes grâce à des robots ou de la main-d’œuvre, pénalisant ainsi la montée à l’échelle, l’équipe d’EntoInnov a réussi à mettre au point une innovation de rupture : des "bioréacteurs", comprendre des silos, capable de produire aujourd’hui des tonnes de vers de farine, demain des milliers de tonnes, de manière quasi-automatique.

Ingénieur puis docteur en nutrition et en toxicologie de l’Ensaia, l’École nationale supérieure en agronomie et industries alimentaires, basée à Vandœuvre-lès-Nancy, Fayçal Ounnas est aussi l’ancien responsable de la recherche et développement de la start-up Biolie. Il a fondé EntoInnov en 2021, avec 60 000 € de capital et s’apprête à lever, d’ici la fin de l’année, un million d’euros pour changer de dimension et passer à l’étape industrielle.

Vers la production de "quelques milliers de tonnes" d’insectes

Lauréat du programme France 2030 dans sa version Grand Est, EntoInnov pourra faire jouer un effet de levier d’un pour un sur des fonds publics, grâce à la somme levée. "France 2030 va vraiment nous permettre de booster la R & D, pour finaliser nos travaux et construire une équipe pour lancer la montée à l’échelle industrielle de l’entreprise", déroule Fayçal Ounnas.

Réalisant déjà quelques dizaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires grâce à une petite production de farine à base de vers, destinée pour l’instant à l’alimentation animale, la start-up s’appuie sur une équipe de sept personnes, dont trois à temps plein, et devrait atteindre la rentabilité à la fin de l’exercice 2024. "Cette première levée de fonds est encore de l’amorçage", détaille Fayçal Ounnas.

Fin 2025, le dirigeant veut disposer d’une capacité de production de quelques centaines de tonnes par an, puis, deux ans après, "avoir une unité capable de sortir quelques milliers de tonnes d’insectes par an". Une stratégie résolue mais prudente, Fayçal Ounnas redoutant par-dessus tout le faux pas. "Notre savoir-faire est dans la biologie de l’insecte, liée à une technologie innovante", résume le dirigeant d’EntoInnov. "Donc il faut toujours garder à l’esprit que nous sommes sur du vivant, et qu’à chaque étape, il va falloir observer le comportement du vivant." Sur le marché, les clients, soit les grands industriels de l’agroalimentaire, attendent déjà de pouvoir disposer en quantité de ces farines à base d’insecte. "Dans le domaine de la Pet Food, on voit de plus en plus de produits à base de farine d’insectes", souligne Fayçal Ounnas, qui rappelle que le marché mondial de la production d’ingrédients à base d’insecte devrait peser pas moins d’un milliard d’euros dans dix ans.

Des silos contrôlés à distance

Déjà sorti du laboratoire, le bioréacteur d’EntoInnov se présente comme un silo, alimenté par des déchets de l’industrie agroalimentaire. Fayçal Ounnas préfère rester discret sur la recette exacte qui nourrit ses vers de farine : "Ce sont des déchets de l’agroalimentaire, comme des drêches de brasserie", lâche-t-il. À l’intérieur du silo, l’humidité, la quantité de nourriture ou encore le taux de CO2 sont surveillés à distance grâce à des capteurs connectés. Une technologie qui permet, par exemple, d’installer des silos au fond d’un hangar agricole, sans devenir une charge pour l’agriculteur, mais offrant au contraire une nouvelle source de revenus. Une stratégie de développement qui repose sur le réseau dans le monde agricole d’Emmanuel Charrois, associé et directeur technique d’EntoInnov.

Depuis quelques mois, les deux associés font le tour des sites agricoles lorrains capables d’accueillir leur innovation de rupture. "Nous sommes en lien avec les Chambres d’agriculture, parce qu’il faudra faire de la pédagogie, et nous avons déjà des pistes pour nous implanter dans les Vosges, du côté d’Épinal", révèle Fayçal Ounnas, qui se montre confiant dans sa capacité à convaincre les agriculteurs. "Notre modèle actuel d’élevage pose déjà problème, que ce soit en termes d’impact environnemental ou de pression sur les ressources agricoles", constate le dirigeant d’EntoInnov. Pour produire les protéines nécessaires à l’alimentation humaine et animale, l’utilisation des insectes apparaît comme une voie prometteuse : "Pour produire un kilo d’insecte, il faut 10 fois moins d’eau par rapport à la viande de bœuf et 100 fois moins de surface agricole, sachant que 80 % de nos sols agricoles sont actuellement destinés nourrir du bétail".

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