Vent de renouveau. Grand cultivateur et patron d'un géant de l'agroalimentaire, Arnaud Rousseau, préside désormais aussi la FNSEA, la fédération agricole majoritaire en France avec laquelle il compte mener bataille contre les "sirènes de la décroissance". Les Français ne sont pas encore familiers de sa haute silhouette. Son ton posé tranche avec le débit rapide de Christiane Lambert, l'éleveuse de porcs qui présidait jusque-là la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

Son profil change aussi: producteur de grandes cultures (colza, tournesol, blé, betterave, maïs), il préside le conseil d'administration le groupe Avril, un mastodonte (près de 7 milliards de chiffre d'affaires en 2021), actif dans les huiles alimentaires (marques Lesieur, Puget), les agrocarburants ou encore l'alimentation des animaux d'élevage (Sanders). De quoi l'inscrire dans la lignée de Xavier Beulin, également président d'Avril et de la FNSEA jusqu'à son décès soudain en 2017.

"Force tranquille"

Avec un céréalier à la tête de la FNSEA, il y a "des éleveurs qui vont se dire +On ne sera pas défendus+, sans savoir qui est Arnaud Rousseau", regrette Philippe Jehan, producteur de lait et ancien président du syndicat en Mayenne. Avril a récemment vendu les oeufs Matines et ses parts dans des abattoirs porcins, au profit d'un recentrage vers les activités végétales.

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"Il y avait des critiques sur le désengagement du groupe par rapport aux éleveurs mais Arnaud a garanti que le repreneur serait un groupe français et qu'aucun éleveur ne resterait sur le bord de la route", retrace Philippe Jehan, pour qui le chef d'entreprise est "tout l'inverse d'un agrobusinessman"."Il a des valeurs catholiques de partage. C'est un gars proche des gens, quelqu'un qui ne s'emporte pas. Une force tranquille", loue-t-il.

La présidence d'Arnaud Rousseau arrive au moment où la guerre en Ukraine a remis au goût du jour, au nom de la "souveraineté alimentaire", un discours prônant l'augmentation des quantités produites. Synonyme de baisse de rendements, la "montée en gamme", notamment vers l'agriculture biologique, est largement enrayée. Arnaud Rousseau plaide pour une "agriculture offensive (...) qui refuse de se laisser enfermer par les idéologies, les violences inacceptables, et les sirènes de la décroissance".

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Pour Nicolas Girod de la Confédération paysanne (syndicat minoritaire classé à gauche), "plus encore que d'autres, il incarne une agriculture liée à l'agro-industrie" alors même qu'"il faut penser la transition, penser la planification écologique dans le contexte du changement climatique"."Ce nouveau président coche toutes les cases pour poursuivre sur une vision conservatrice de l'agriculture, où productivisme et agro-business dominent", juge l'association Greenpeace.

A la FNSEA, Arnaud Rousseau était auparavant chargé des négociations sur la répartition des neuf milliards d'euros annuels des fonds européens de soutien à l'agriculture française (la politique agricole commune ou PAC).Avec lui, le syndicat "a tout fait pour conserver le statu quo", déplore Mathieu Courgeau, éleveur laitier et coprésident du collectif Nourrir, qui réunit 52 organisations pour une refonte du système agricole et alimentaire.

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"A la force des bras"

Dans un podcast baptisé "Déclic: ce moment où tout bascule", diffusé en octobre dernier, Arnaud Rousseau relate sa chute dans un silo en 2010: "Le genre d'accident dont normalement on ne réchappe pas. (...) Je suis remonté tout seul (...) à la force des bras avec les deux jambes cassées. Ce n'est pas un bon souvenir." Neuf mois après, ce féru de randonnée, ancien officier de la réserve opérationnelle (1996-2009), par ailleurs "globalement gâté par la vie", marchait 1.500 km jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle.

Diplômé d'une école de commerce parisienne, Arnaud Rousseau a notamment travaillé dans le courtage agricole avant de reprendre l'exploitation familiale de Trocy-en-Multien, village de Seine-et-Marne dont il est maire depuis 2014. Il est devenu agriculteur en 2002, peu avant ses 30 ans. Avec son épouse (ils ont trois enfants), aussi cheffe d'exploitation, et quatre salariés, il gère désormais près de 700 hectares - bien au-delà de la moyenne des exploitations de grandes cultures en France (87 hectares).