La nouvelle réglementation sur la décarbonation du secteur aéronautique votée le 13 septembre 2023 par les parlementaires européens ouvre la voie à l’utilisation de biomasse agricole pour la production de carburant durable, à condition que celle-ci ne concurrence pas la production alimentaire.

Dans ce contexte, la cameline en interculture apparaît comme la candidate (presque) idéale, selon Avril. « On sait déjà qu’elle est adaptée à la production de carburant de l’aviation. Les organismes stockeurs se montrent partants et nous, industriels, avons des capacités pour s’adapter à cette graine », explique Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe Avril. Reste donc à structurer une filière, mais surtout à assurer la production de graines.

Le texte, qui doit maintenant être adopté par le Conseil européen, a des chances de voir le jour d’ici à la fin de l’année 2023, estime Kristell Guizouarn, directrice des affaires réglementaires d’Avril.

Objectif : 250 000 ha en 2030

Aujourd’hui, la production française (et européenne) en est aux balbutiements. Fabrice Moulard fait partie des rares agriculteurs à s’y être essayé dans l’Eure, et espère récolter le début d'octobre 1 à 1,5 t/ha sur certaines parcelles. Pas encore suffisant pour lancer des essais à grande échelle. Mais pour remplir ses objectifs de production à moyen et long terme, Avril projette de transformer les graines de quelque 250 000 ha en 2030.

Quid du prix payé à l’agriculteur ? À ce jour, pas de montant évoqué. Mais celui-ci devra être suffisant pour couvrir d’éventuelles années sans récolte et maintenir l’engagement des producteurs. La recherche variétale aura quant à elle un rôle important, que les semenciers devraient pouvoir assurer maintenant que la nouvelle réglementation leur ouvre avec certitude un marché européen, estime Jean-Philippe Puig.

« On sent que certains pétroliers européens se penchent sur le sujet pour assurer leur approvisionnement en matières premières. Je pense que tout va s’accélérer dans les mois et années qui viennent. Cela va notamment aider à soutenir la recherche », analyse le directeur. Quant à la répercussion sur le prix des billets, elle devrait être absorbable par le consommateur final.

Pois prometteur

Fabrice Moulard a implanté, au 1er juillet 2023, 7 ha de cameline conduites en sec, derrière une orge ou un pois. À première vue, les résidus d’orge ont fortement pénalisé la culture. « Peut-être est-ce dû aux conditions de l’année avec de grandes quantités de paille », suggère-t-il. Derrière le pois en revanche, les résultats sont prometteurs. « Il y a eu très peu de résidus, la levée a été rapide et l’azote du pois a probablement aidé un peu au développement », poursuit-il. À noter qu’aucune intervention n’a été réalisée pendant le cycle.